La Cour européenne des droits de l’homme a rendu une décision historique qui pourrait transformer les fondements du mariage en Europe. Ce jeudi, la CEDH a jugé que le devoir conjugal, une obligation tacitement comprise dans le cadre du mariage en France, était « contraire à la liberté sexuelle et au droit de disposer de son corps ». Cette décision fait suite à la requête d’une femme née en 1959, qui a contesté son divorce prononcé pour cause de manquement aux relations intimes avec son conjoint.

Un tournant crucial pour les droits des femmes

Cet arrêt constitue une avancée significative pour les droits des femmes, non seulement en France, mais aussi dans toute l’Europe. La CEDH, installée à Strasbourg, s’est positionnée unanimement contre une interprétation traditionnelle du mariage qui imposait un devoir conjugal. Découlant d’une demande en justice où une femme s’est vue divorcée à ses torts exclusifs pour avoir cessé toute relation intime, l’affaire a mis en lumière les tensions entre devoir imposé et consentement authentique au sein du mariage.

Historiquement, en France, l’article 215 du Code civil imposait implicitement la notion de devoir conjugal sous l’obligation de communauté de vie. Cependant, des voix se sont élevées depuis longtemps contre ce qui était perçu comme une relégation du consentement volontaire à des obligations désuètes.

Les implications juridiques de la décision

Dans cette affaire particulière, la Cour de cassation française avait précédemment validé la séparation en statuant que le refus de relations intimes constituait un « manquement au devoir conjugal », ouvrant ainsi la porte à des poursuites pour divorce pour faute. Mais la CEDH, en réaffirmant l’autonomie corporelle et la liberté sexuelle, redéfinit ce que signifie véritable consentement dans le cadre matrimonial. Pour la première fois, le droit à la vie privée, ancré dans l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, est prioritaire sur des constructions sociales héritées du passé.

Julie Mattiussi, maîtresse de conférences en droit privé, a toujours critiqué cette obligation en la qualifiant de vestige d’un « schéma traditionnel des relations sexuelles allant à l’encontre des évolutions sociales et politiques ». Selon elle, ce jugement de la CEDH établit un précédent majeur dans l’interprétation du mariage moderne, où chaque partenaire doit être libre de ses choix intimes sans pressions légales.

Un changement dans la législation française en vue ?

Cette décision soulève des questions sur les implications futures pour la législation française. Interrogé sur la possibilité de révision de l’article 218 du Code civil, garantissant jusqu’ici une certaine emprise de la communauté de vie sur la communauté de corps, le ministère de la Justice maintient le silence. Les associations féministes, telles que le Collectif féministe contre le viol et la Fondation des femmes, saluent cette avancée comme une victoire contre les normes patriarcales.

L’impact immédiat de cette décision se manifeste déjà par le fait que les juges français ne pourront plus invoquer le devoir conjugal devant la justice. Cela pourrait radicalement altérer l’approche des tribunaux en matière de divorce et de droits conjugaux, soulignant le besoin de respecter les choix individuels dans le mariage.

Révolution intérieure : le rôle de la Cour européenne des droits de l’homme

En tant qu’institution du Conseil de l’Europe, la Cour européenne des droits de l’homme a pour mission de veiller au respect des droits et libertés fondamentales des citoyens européens. Ce rôle de protection se manifeste particulièrement dans des cas comme celui-ci, où elle agit en tant que garant des libertés individuelles face aux lois nationales.

La répercussion de cet arrêt pourra inspirer d’autres nations à reconsidérer leurs législations sur le mariage. En affirmant que le mariage ne peut être une excuse pour violer le consentement personnel, la CEDH pose les jalons pour une nouvelle ère des droits matrimoniaux, plaçant l’individu au centre de l’institution du mariage.

Pour la plaignante, cette victoire est une reconnaissance concrète de son droit à l’intimité et à l’autonomie. Dans une déclaration transmise par ses avocates, elle a exprimé que ce succès est dédié à toutes celles qui ont été confrontées à des normes injustes et obsolètes, espérant que ce changement soit le signe d’un avenir plus égalitaire.

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