La question du devenir de l’argent liquide divise aujourd’hui les autorités et les citoyens, avec des positions radicalement opposées à travers l’Europe. D’un côté, la Suisse se prépare à graver le franc suisse dans sa Constitution, garantissant ainsi la pérennité de l’argent liquide comme moyen de paiement. De l’autre, la France envisage des mesures drastiques pour en réduire l’usage, voire l’interdire, au nom de la lutte contre la fraude et la délinquance.

La Suisse, bastion de l’argent liquide

En Suisse, l’argent liquide est bien plus qu’un simple moyen de paiement ; il est considéré comme un symbole de souveraineté et de stabilité économique. Le Mouvement suisse pour la liberté, fervent défenseur de cette cause, milite pour que l’argent liquide soit inscrit dans la Constitution. Selon eux, il est essentiel de garantir la disponibilité de l’argent liquide et de maintenir le franc suisse comme la seule monnaie nationale. En réponse, le gouvernement suisse a proposé un contre-projet de loi visant à protéger l’argent liquide en l’inscrivant effectivement dans la Constitution, mesure qui devra être validée par un vote populaire.

Selon une enquête réalisée par la Banque nationale suisse à l’automne 2024, environ 95 % des Suisses tiennent à ce que le numéraire demeure accessible. Ainsi, pour la majorité, la possibilité de pouvoir continuer à utiliser des espèces est fondamentale, même à l’ère numérique. Cette volonté de préservation est contrebalancée par le fait que, dans la pratique, les cartes bancaires sont de plus en plus utilisées, avec la carte de débit devenant le moyen de paiement préféré.

La France et la tentation de l’interdiction

À l’opposé, la France explore l’idée d’une interdiction totale de l’argent liquide. Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, s’est fermement exprimé en faveur de mesures visant à supprimer ce qu’il considère comme une passerelle vers la fraude, la délinquance quotidienne et les réseaux criminels. Toutefois, une telle mesure en France risquerait de rencontrer une résistance législative considérable. L’euro, étant une monnaie commune, ne peut être aboli à l’échelle nationale sans un vaste consensus à l’échelle de la zone euro, impliquant un dialogue complexe avec la Banque Centrale Européenne.

Malgré cette rhétorique politique, les données de la Banque de France montrent que 60 % des Français jugent encore important d’avoir la possibilité de payer en espèces. Cette défense acharnée de l’argent liquide contraste avec une augmentation notable de l’usage des paiements scripturaux tels que les cartes bancaires, même si ces dernières ont récemment devancé les espèces dans l’usage quotidien.

Un futur incertain pour l’argent liquide

La crainte d’une disparition de l’argent liquide peut sembler prématurée, mais sa marginalisation progressive semble probable. Le choix difficile entre sécurité, innovation et préservation des traditions se pose avec acuité. L’argent liquide pourrait-il devenir une simple relique du passé à mesure que les sociétés se numérisent ? Ou reste-t-il un outil indispensable doté d’une valeur symbolique et fonctionnelle ?

En fin de compte, la survie de l’argent liquide dépendra de nombreux facteurs, notamment l’attrait des alternatives numériques, le cadre législatif applicable et surtout, la volonté populaire. Si certains pays privilégient la modernisation à outrance, d’autres, comme la Suisse, s’emploient à assurer que l’argent liquide demeure une option, au moins à court terme.

Les implications économiques et sociales

L’impact potentiel de l’abandon de l’argent liquide va au-delà des choix individuels de paiement. Les implications économiques comprennent des coûts significatifs pour l’adaptation des systèmes bancaires, ainsi que des conséquences pour les personnes dépendantes du cash, souvent issues de couches sociales économiquement marginalisées. En outre, la diminution de l’argent liquide pourrait également accentuer les vulnérabilités face aux cyberattaques, rendant les systèmes économiques plus exposés à des menaces numériques.

D’un point de vue social, le débat autour de l’argent liquide relève aussi d’une question d’accès et d’inclusion. Les populations non bancarisées ou sous-bancarisées pourraient être désavantagées dans un monde où l’argent liquide perd son statut d’alternative viable. Par conséquent, les décideurs politiques doivent s’assurer que toute transition vers un monde sans cash soit équitable et inclusive.

Le débat entourant l’avenir de l’argent liquide touche à des enjeux fondamentaux de société : contrôle des transactions, liberté individuelle, et choix économiques nationaux. Il s’agit donc de trouver un équilibre délicat entre modernité et accessibilité, une tâche qui s’annonce complexe pour les gouvernements.

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