Le gouvernement français envisage une révision significative des certificats d’économie d’énergie (CEE), une mesure qui suscite de vives réactions dans le secteur de la rénovation énergétique. Cette initiative, qui sera présentée au Conseil supérieur de l’énergie (CSE) le 27 mai, pourrait entraîner la suppression de onze fiches CEE, une décision qui vise à optimiser les dépenses énergétiques et à réaliser des économies substantielles.
Contexte et objectifs de la révision
Les certificats d’économie d’énergie ont été mis en place pour inciter les fournisseurs d’énergie à investir dans la réduction de la consommation chez leurs clients, par le biais de financements pour des projets de réduction d’énergie. Les opérations éligibles couvrent aujourd’hui un large éventail de projets, tels que l’optimisation des systèmes de chauffage et la récupération de chaleur, qui ont jusqu’à présent représenté 20% des financements totaux via les CEE depuis début 2022. Toutefois, le gouvernement considère que ces opérations présentent un retour sur investissement trop rapide, inférieur à trois ans.
Bercy, ministère des Finances, estime que de telles mesures sont nécessaires pour faire face aux défis budgétaires en intégrant des dispositifs comme Ma Prime Rénov’, en allégeant ainsi la charge financière de l’État. En retirant certains projets des certificats, jusqu’à 1,5 à 2 milliards d’euros d’économies annuelles pourraient être réalisées sur un marché actuellement évalué entre 4 et 6 milliards d’euros par an.
Réactions du secteur énergétique
L’annonce a généré une onde de choc parmi les professionnels du secteur. Pierre-Damien Grosjean, vice-président du Groupement professionnel des CEE (GPCEE), exprime des inquiétudes quant aux implications de ces suppressions. Selon lui, ces opérations ont été essentielles pour le financement de projets innovants et la réduction de la consommation énergétique industrielle.
Jacques Assant, PDG de la société de délégation CEE Adeeno, ajoute que cette décision menace de déstabiliser le marché de la rénovation énergétique professionnelle, à un moment où ce secteur se distingue par sa conformité et sa capacité à éviter les fraudes endémiques observées dans le marché privé. Il note également le manque de dialogue et de concertation avec les parties prenantes du domaine, bien que l’avis du CSE soit uniquement consultatif et non contraignant.
Implications potentielles pour le marché
La suppression des fiches CEE pourrait pénaliser des milliers d’entreprises spécialisées dans l’isolation, la récupération de chaleur, et l’amélioration de l’efficacité énergétique, essentielles pour la transition énergétique française. Le secteur public, avec des projets dans les bâtiments communaux et les industries, pourrait également subir des pertes conséquentes en termes de soutien financier.
Nombreux sont ceux qui craignent que ces changements ne freinent les initiatives de rénovation, à un moment où les engagements climatiques exigent une intensification des efforts pour réduire les émissions de carbone. En effet, sans l’incitation financière des CEE, de nombreux projets risquent de rester au point mort, retardant ainsi les gains énergétiques significatifs espérés.
Les perspectives économiques et environnementales
Au-delà des implications économiques, cette réorientation des politiques de soutien s’accompagne d’interrogations sur l’engagement de la France à respecter ses objectifs climatiques. Dépendre davantage de mécanismes comme Ma Prime Rénov’ pourrait ne pas suffire à compenser les réductions envisagées dans le programme CEE en termes d’efficacité énergétique.
Les économies budgétaires visées par le gouvernement doivent être mises en balance avec les coûts environnementaux et sociaux potentiels. La suppression des fiches les plus efficaces des CEE risque également de ternir l’image de la France sur la scène internationale quant à son leadership dans la lutte contre le changement climatique.
Dans un contexte où l’efficacité énergétique est cruciale pour la transition écologique, chaque action doit être soigneusement évaluée pour s’assurer qu’elle n’entrave pas les progrès nécessaires. Le défi pour le gouvernement consiste à concilier contraintes budgétaires et ambition écologique, un équilibre qui s’annonce complexe mais indispensable.